Grands causses, Pays de Roquefort Nature

La fin de l’orchidée aveyronnaise ?

Le pape des orchidées sauvages en Aveyron est flamand. Herman Van Looken a posé sa besace en Rouergue, après 40 ans de loyaux services au sein de l’administration belge des Eaux et Forêts.

Cet orchidophile s’est installé dans une bergerie alimentée au solaire au pied du Larzac.. « J’ai découvert ce coin il y a vingt ans, c’est là que je voulais être, près de la nature. » Ornithologie, entomologie et surtout botanique, cet homme a consacré la vie à l’étude de la nature sous toutes ses formes et il l’a pratiqué sur le plan professionnel.

C’est surtout un spécialiste reconnu en orchidées sauvages. Pas étonnant, dès lors, qu’il ait choisi le Larzac et sa nature sauvage, c’est là que l’on trouve le plus d’orchidées, 72 espèces recensées. Huit de moins toutefois que dans les Alpes Maritimes.. Ses orchidées, Hermann les connaît par cœur. Quand il livre un article à la société d’orchidophile, le texte fait rarement moins de 80 pages.
La lente mais inexorable disparition des orchidées.

Le Larzac est de moins en moins sauvage avec la croissance des troupeaux des brebis (roquefort) et des vaches Aubrac. «Depuis vingt ans que nous sommes ici, nous avons vu les choses changer très lentement, sous l’effet des engrais, des herbicides, de la plantation de graminées exotiques pour les brebis» explique Herman.

« Les parcelles, sont de plus en plus étendues, et les surfaces sont épierrées au bulldozer. Le nivellement des terrains à coup d’explosifs pour que les brebis puissent paître sur un terrain plat ceint de barbelés n’arrange rien».

De là, à dire qu’il y a trop de brebis sur les causses…

«Tout cela fait disparaître les petites orchidées. » Evidemment, ce botaniste, loin d’être écolo intégriste ne peut réprimer un certain écœurement. «Le plus grave sont toutes les pentes humides – là où surgissent les sources- qui disparaissent. Or c’est là que se trouve le plus d’espèces sauvages. Mais je ne suis pas non plus en train de dire que dans vingt ans, il n’y aura plus rien. Je sais que c’est ce qu’il est convenu d’appeler le “progrès“ , explique Herman qui évalue ces remise en cause du milieu à une vingtaine d’hectares par an. «Mais je suis plus sensible que d’autres à ces changements parce que j’ai vu disparaître la nature sauvage en Belgique sous la pression démographique. Ainsi la magnifique « Orchis punaise » décrite en 1750 par Linné, n’existe plus depuis longtemps en Belgique. »

L’Ophrys Aveyronensis subira-t-elle le même sort que sa consœur belge ? Hermann et les botanistes aveyronnais sont extrêmement préoccupés par la menace qui pèse sur elle. L’orchidée Aveyronnaise vit sur une aire de distribution très petite qui s’étend de Tiergues à Lapanouse de Cernon, il y aurait à peine 4000 pieds.
Il n’y a pas que le Larzac qui est touché par cette dégradation. En Lévezou, « l’Hammarbya paludosa », l’orchidée du marais se fait aussi de plus en plus rare. «Cette petite fleur, à peine plus grande qu’une allumette, a presque complètement disparu. »

Quand les abeilles cherchent l’amour auprès des orchidées…
Ce sont des abeilles solitaires qui fécondent les Ophrys et les orchidées. Car si ces fleurs, ont la particularité d’assurer leurs propres pollinisations, entre les étamines et le pistil de la même fleur, c’est l’abeille qui assure le transport du pollen entre les deux organes. Et le plus stupéfiant, est qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle abeille. Chaque orchidée, a son espèce d’abeille désignée pour sa pollinisation.
Ainsi, l’ophrys aveyronensis ne se laissera aborder que par l’abeille mâle Andrena Hattorfiana.

Ces orchidées jouent le rôle de dames de petite vertu plantées sur les boulevards de la prairies pour mâles en manque de femelles. Mais elles servent de substitut -d’ersatz- sexuel auprès de mâles attirés par leurs fragrances. La façon dont s’y prennent les abeilles avec les orchidées peut être torride. Ainsi, lorsque l’une se servira de son abdomen pour déposer les grains de pollens sur ses stigmates face à telle orchidée. Face à une autre orchidées, la même abeille se servira de son dos.

Herman n’est pas l’écolo dogmatique de la ville . Il vit à l’année au pays et connaît la nature. Il ne cesse de donner des conférences sur les orchidées pour faire prendre conscience de la protection de la flore. «Les paysans n’ont pas tous conscience de la nature. »
Il explique par exemple n’avoir pas d’opinion sur les OGM –tout en ne souhaitant pas les voir croître sur le causse. Il observe en revanche, la multiplication des allergies de plus en plus nombreuses liées aux excès du système agroalimentaire.
Herman déplore également la disparition d’animaux du causse liée aux nouvelles pratiques agricoles. Ainsi les cailles sont en voie de disparition «car on fauche trop tôt -dès avril-et trop bas dans les champs. Tous les nids sont détruits. Il en va de même avec le busard saint-Martin qui niche également dans les champs et qui disparaît.

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