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Interview de Rémi Soulié, vice-président de l’amitié François Fabié.

Vous parlez pour le passage à Paris de François Fabié d’un poète à « Babylone sur Seine » ?
François Fabié n’a guère aimé Paris et la plupart des images qu’il en donne sont négatives : la capitale est un lieu d’oppression physique et spirituelle où les êtres sont parqués comme du bétail. Babylone-sur-Seine ressemble à un maelström tourbillonnant qui ne laisse jamais les êtres en repos. C’est une ville destructrice, sans silence ni espace. Les Parisiens ressemblent à des morts-vivants !

fabie1Sa vie, son œuvre est donc celle d’un déraciné ?
Son enfance a été la seule période vraiment heureuse de sa vie. Il a vécu au sein du Moulin de Roupeyrac, à Durenque, avec tous les siens : son père, sa mère, son oncle braconnier qui lui a appris à dénicher les oiseaux. La première rupture survient avec le départ pour Rodez, afin de poursuivre ses études. C’est là le paradigme, en quelque sorte, des exils à venir à Toulon puis Paris. Il songera alors au bonheur perdu, au Rouergue qu’il idéalise sans doute mais qui lui inspire des poèmes d’une grande nostalgie. Elève doué, il a le sentiment d’avoir trahi les siens : s’il n’avait pas fait d’études, il n’aurait pas été « dénaturé » et il aurait vécu sa vie à la place qu’il n’aurait pas dû quitter. Du moins c’est ainsi qu’il analyse son itinéraire.

Pourtant pour un « exilé » à Paris, dans cette Troisième République triomphante, il fait une très belle carrière ?
Fabié a en effet été reconnu par ses pairs. Il est édité par Lemerre, l’éditeur des Parnassiens, de Coppée, Leconte de Lisle, Sully Prud’homme. Ses pièces sont jouées à l’Odéon par de grands comédiens ; il noue en particulier une grande amitié avec Mounet-Sully. Sa carrière professorale est elle aussi tout à fait honorable puisqu’il a été professeur au lycée Charlemagne et qu’il dirigea l’Ecole Colbert. Sa poésie est très « traditionnelle » ; Fabié passe à l’écart des grandes voies (voix) ouvertes par Verlaine, Baudelaire ou Rimbaud. Il veut être compris et aimé des humbles, sans souci d’innovations rythmiques, formelles ou même thématiques. Il garde avec raison une place privilégiée dans le cœur des Rouergats.

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C’est donc plus par patriotisme rouergat que vous soutenez le poète  même si vous n’êtes pas totalement séduit par son art de la versification ?
Je suis surtout sensible à la valeur symbolique de sa poésie, même si une anthologie mériterait d’être faite uniquement autour de ses vers les plus beaux. J’y inclurai par exemple celui-ci :

« Tes près où gravement ruminent les grands bœufs ».

Je trouve également dommageable que le prosateur soit un peu oblitéré par le poète : ses Souvenirs d’enfance et d’études devraient être étudiés dans tous les collèges, à l’instar des œuvres de Pagnol, par exemple – de même ses deux romans, Moulins d’autrefois et Le Retour de Linou.

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l’Amitié François Fabié
La Rivière
81160 Arthes
Fabié, le déraciné

Durenque et son Moulin de Roupeyrac