Agriculture

Dossier sur le roquefort

Le Sud Aveyron n’est pas ingrat avec la brebis Lacaune qui lui donne une partie de sa richesse. On peut s’en rendre compte chaque été que ce soit à la fête de Rebourguil ou lors de l’hilarant tiercé des brebis de Verrières.

De l’éleveur au transporteur en passant par l’artisan ou l’industriel, le Roquefort fait vivre une bonne partie du sud Aveyron. Grâce à lui, les fermes ne sont ni désertées ni transformées en résidences secondaires, les paysages sont ciselés, et les villages vivants.

Cette spécialité n’est pas nouvelle, si l’on se réfère à un texte charmant sur la géographie de l’Aveyron, publié par Hachette voilà plus de 120 ans. Mais elle a pris de l’ampleur.

Au long des années, avec l’arrivée des industriels – Perrier, Nestlé, hier, Lactalis aujourd’hui – la fabrication du Roquefort, est devenue un système industriel ultra-encadré. Un système qui a généré une surproduction de lait de brebis alors que dans les années 70, on acheminait encore sur le Combalou (la montage de Roquefort)  du lait de brebis corse. Aujourd’hui, plus de 20% du volume de lait est transformé en feta. Or les Grecs sont sur le point d’obtenir l’exclusivité de l’appellation depuis des années. Dilemme pour les acteurs du roi des fromages titulaire de la première AOC…  Lactalis a vu le coup arriver et propose son Salakis….

Pour les Anglo-saxons, Roquefort demeure le symbole de poil à gratter français. A preuve l’une des publicités télévisuelles d’IBM de 2001 où le Roquefort est à l’origine d’un cyber-piratage

Car il est audacieux d’imaginer les fabricants de Roquefort en pirates de l’internet . Surtout si l’on observe les petits producteurs, tel le Vieux Berger. Dans ce village de Roquefort, il y a des clans, des familles et des marques. On s’observe derrières les persiennes et l’on se fait parfois des coups tordus. Depuis des années, l’objectif de tous reste le même : mettre la main sur une cave, condition de base pour s’étendre. Tous n’y parviennent pas…

Roquefort contre Mc Do, un choix de civilisation ?
Quand l’Amérique veut faire mal à la France, où tape-t-elle sinon sur le Roquefort en majorant ses droits des douanes de 100%. Conséquence : une chute des exportations de Roquefort aux Etats-Unis qui serait passée de 460 à 396 tonnes. On rappellera que par contrecoup, cette surtaxation a fait une belle publicité à la « déconstruction » du Mc Donald de Millau devenu, malgré lui, un tremplin planétaire pour José Bové…

Les producteurs de Roquefort ne se font pas de cadeaux. Ainsi, le Conseil de la Concurrence, le 8 avril 2004, a infligé à Société une amende de 5 millions d’Euros pour abus de position dominante. Il lui reproche une pratique de référencement avec la grande distribution aboutissant à éliminer des linéaires ses concurrents Papillon et Coulet. Interview de Luc Morelon, directeur de la Communication de Lactalis.
Lire l’interview

Voilà un cours extrait historique tiré d’un manuel sur la géographie de l’Aveyron par Adolphe Joanne, publié en 1880.

«La fabrication du fromage forme une branche importante de l’industrie départementale. Le fromage de Roquefort se prépare avec du lait de chèvre et de brebis, dans les fermes de ce village et des environs sur un rayon de 20 à 30 kilomètres ; mais c’est dans les caves de la belle-montagne (791 mètres) qui domine Roquefort, au sud, que s’achève la fabrication et que le fromage acquiert les qualités supérieures qui le font rechercher.

Ces caves, au nombre de 34, dont 23 sont des grottes naturelles, et où règne une température constante de 12°, sont garnies de larges tablettes, recouvertes d’un lit de paille, sur lesquelles des milliers de fromages, sont rangés, non à plat, mais de champ, et assez écartés les uns des autres puisque l’on puisse circuler librement et seconder d’une manière uniforme, le travail de fermentation.
On dit que les fromages de Roquefort doivent leur excellent goût à la nature poreuse de la roche. A Roquefort, le quintal métrique de fromage se vend 100 à 120 francs. La production fromagère de Roquefort donne lieu chaque année à un mouvement d’affaires de huit millions. »

Géographie de l’Aveyron, Adolphe Joanne
Hachette

Carte postale représentant les “cabanières” de Roquefort au début du siècle. Ainsi avait-on baptisé les ouvrières de Roquefort qui œuvrait dans les failles du Combalou.