Politique

La fronde des Laguiolais débouche sur l’Union Sacrée

laguiole, un village sans nom connu par 47% des Français.
La décision de septembre du TGI de Paris confortant la position de Gilbert Szajner, dépositaire des marques Laguiole, a eu pour conséquence de porter à l’incandescence la colère des Laguiolais et d’instituer une sorte d’Union Sacrée entre tous les acteurs. Avec en point d’orgue le démontage des panneaux mis en scène par le maire, Vincent Alazard. Ce dernier défend le développement économique de son village. Or cette décision de justice interdit à une entreprise laguiolaise de pouvoir commercialiser un produit portant le nom Laguiole. Et le maire de mettre en avant la notoriété du village connue par 47% des Français selon un sondage TNS alors même que l’un des principaux arguments du jugement était au contraire centré sur le côté générique du nom Laguiole.

Le salut est-il dans l’IGP ?
Le 8 octobre, Sylvia Pinel, ministre de l’Artisanat et du Commerce a fait le déplacement en Aubrac afin de «soutenir le combat légitime des élus et des habitants pour la protection de leur savoir-faire traditionnel.» Elle a confirmé sa volonté d’étendre les indications géographiques protégées (IGP) aux produits manufacturés. Un projet lancé sous Nicolas Sarkozy par Frédéric Lefèbvre à la suite d’un rapport d’Yves Jégo. Sylvia Pinel souhaite fare inscrire la protection des savoir-faire locaux et de la production française dans un cadre européen. Et cette IGP pourrait bien commencer par le couteau de Laguiole.

La vieille rivalité Thiers-Laguiole relancée ?
Mais à imaginer qu’une IGP défendant les savoir-faire locaux voit le jour, il faudra que sur place on s’accorde sur le périmètre IGP couteau de Laguiole. Car historiquement le laguiole n’est pas qu’une affaire de Laguiole mais aussi de Thiers qui se mit à fabriquer des Laguiole au lendemain de la Guerre de 14 à la demande des Laguiolais. Compte tenu de cette donne historique, les acteurs ont commencé à réfléchir à une IGP Laguiole sur un territoire associant Thiers et Laguiole. Mais il y a un hic. Aujourd’hui, des centaines de milliers de couteaux fabriqués à Thiers sont de type micacol. Il s’agit de ces couteaux à lames micro dentées et à mitre creuse fabriqués en grande série par les couteliers thiernois. Les qualifer de laguiole n’est pas acceptable pour des couteliers laguiolais.

Et la passionnante table ronde du 9 octobre sur les appellations à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale n’a pas arrangé les choses sur ce point. Notamment quand le député du Puy de Dôme, André Chassaigne, a pris la parole. «Les couteliers thiernois se sentent bafoués. Si on leur dit qu’ils ne pourront plus utiliser le nom laguiole dans leurs productions, ça posera un problème.» Une intervention qui ne fut guère du goût des Laguiolais présents. Rallumer la vieille querelle alors que la mondialisation implique de faire front commun n’est pas forcément très judicieux.

Extraits d’intervention lors de la table ronde sur la protection des mentions et des marques du 9 octobre par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale
«Aujourd’hui, je me sens bafoué, et usurpé. Si demain je veux développer une gamme d’assiettes, des verres, une batterie de cuisine je ne peux pas employer le nom de mon village et ça va me droit au cœur, c’est les tripes.»
Michel Bras, cuisinier.

«La marque a le pouvoir totale sur la commune de Laguiole et sur ses administrés. On peut pas développer de l’activité sur un territoire.»
Vincent Alazard, maire de Laguiole.

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