Politique

Stéphane Bultel, trublion du Landerneau Aveyronnais

bultel1Stéphane Bultel, jeune conseiller général PS de Rodez Est, ne passe pas inaperçu. Tout au long de 2006, il n’a cessé de secouer avec la fougue de ses trente-trois ans, le landerneau politique aveyronnais dominé par Jean Puech et ses barons.

Le benjamin conseiller général n’a de cesse de dénoncer les gaspillages de l’argent public et le bilan du président du Conseil général. Son dernier coup d’éclat remonte à l’été avec son questionnement sur le projet d’un musée de la Châtaigne à Rignac,  village dont Jean Puech fut longtemps  le maire, financé par une subvention d’un million d’euros. Le président du Conseil général, qui ne se représentera pas en 2008 n’aurait pas du tout apprécié…
Mais ce n’est pas parce qu’il rue dans les brancards que Stéphane Bultel est atypique. Ce natif des Ardennes, arrivé en Aveyron en 95 pour travailler chez Sobrerim puis Inforsud n’a pas été formaté au consensus à l’aveyronnaise qu’il assimile à une gangue. C’est un fils de mineur, un fils de prolo, obligé à chaque étape de sa vie de faire ses preuves, y compris dans le militantisme PS. Autre trait distinctif, alors que le gros bataillon des élus PS est souvent issus des rangs de la fonction publique ou de l’enseignement, lui dirige une PME qu’il a créée en 2003. Une “boîte” qui doit équilibrer ses comptes, payer ses charges et sa TVA. Un élu chef d’entreprise aveyronnais de gauche en Aveyron impliqué dans la vie politique, ça ne manque donc pas de sel.

Interview

Chef d’entreprise et élu, ce n’est pas trop dur à cumuler ?
Les journées sont longues, très longues. Le soir, il y a des réunions politiques. Ma semaine de travail est de 6,5 jours et demi. Sur le long terme, c’est difficile, parfois très dur, à fortiori si l’on a contracté des emprunts. Un statut de l’homme politique s’impose dans ce pays.

Le PS a érigé les 35 heures en fer de  lance du progrès social, ne croyez-vous pas qu’aujourd’hui que ceux qui en bénéficient le plus, ce sont plutôt les emplois publics et surtout qu’elles sont un frein à l’embauche ?
Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. A la base des 35 heures, il y a une volonté d’émancipation, la réduction des heures de travail devait permettre de pouvoir s’éduquer… Aujourd’hui, je pense que c’est une avancée sociale, même si les premiers bénéficiaires des 35 heures ce sont les cadres. Pour les autres, elles se sont traduites par des nivellements de salaires. Certes le bilan n’est pas 100% positif. Le problème des entreprises françaises n’est pas un problème de coût salarial, c’est plutôt le manque d’activité, de business en général.

Vous qui êtes un Aveyronnais d’adoption que pensez-vous de la vie politique aveyronnaise ?
En Aveyron, on est asphyxié par les notables. Nous sommes face à une caste qui n’agit pas pour l’intérêt général mais pour garder son pouvoir. Cela a des conséquences sur le plan économique, car ici c’est trop souvent la politique du guichet. Pour quoi que ce soit, il faut passer par eux pour obtenir des subventions. Heureusement que je suis à gauche car personne n’est venu me demander qui j’étais lorsque je me suis présenté. En revanche, c’est parfaitement impossible pour un quadra de droite de se présenter en Aveyron sauf si c’est un fils d’élu. Certes, il faut reconnaître que l’Aveyron n’est pas unique sur ce point et que ces façons de faire existent ailleurs et dans l’autre bord. En Ariège, c’est plutôt l’ inverse.

Quand vous parlez d’une caste et des fils d’élus, vous faites sans doute référence à Yves Censi et Thierry Puech ? Ce dernier vient d’ailleurs de se présenter comme candidat aux prochaines législatives ?
Moralement, ça devrait leur poser un problème.  J’ai du mal à comprendre comment ils peuvent oser se présenter sur les mêmes terres que leurs pères. S’ils se présentaient à Paris, où ils résident, ça serait très bien. Ici, ils arrivent au pays et peuvent s’appuyer sur les réseaux de « papa » pour une élection qui a lieu trois mois plus tard. On peut s’interroger sur la notion de récompense d’un quelconque effort. Surtout quand on voit le bilan médiocre du député Censi. Moi, j’ai huit ans de militantisme dans les bottes. Je ne pense pas que les Aveyronnais sont dupes. Cela se traduira dans les urnes.

Jusqu’à quel point ?  Un changement de majorité au Conseil général par exemple ?
Même en Aveyron, les gens ont compris que les socialistes, ce n’était pas le diable. Les choses changent y compris en zone rurale, regardez l’exemple de Claude Boyer, élu DVG dans le canton rural de Saint-Sernin sur Rance. Dès lors, tout est possible lors des prochaines cantonales, 13 sièges sont renouvelables et on pourrait décrocher deux ou trois de plus que prévu.

Pour vous quels sont les pistes de réformes du système français ?
D’abord, afin d’éviter la diffusion du  “tous pourris“ dans l’opinion publique, limiter le cumul des mandats à un seul. Ensuite supprimer un échelon institutionnel, mais le problème n’est pas lié qu’à un empilement des couches, mais également de spécialisation des échelons. Moi je pencherais plutôt pour la suppression des pays ou des “agglos” qui semblent avoir débouché sur une augmentation des dépenses. Enfin, pour le Conseil général, il faut un scrutin de liste départemental, qui permette au candidats de défendre un programme.

Soyez plus précis sur le dernier point ?
Le mode de scrutin ne permet pas s’engager sur un programme. Des décisions importantes sont prises en Aveyron sans que les électeurs n’aient été consultés départementalement. Je ne parle pas du musée de la Châtaigne de Rignac qui devait bénéficier d’une subvention du Conseil général d’un million d’euros. C’est une goutte d’eau par rapport à un budget de 310 millions. Les vrais dossiers ne sont pas abordés politiquement, et ce n’est pas étonnant puisque les conseillers généraux ont été élus sur un programme cantonal et non départemental. La politique sociale n’est votée par personne, avec toute la dépendance et le RMI. En revanche, la gestion des déchets et des centres d’enfouissement ne peut pas avancer. Quel élu serait assez suicidaire pour imposer à un maire la réalisation d’un centre d’enfouissement dans sa commune.

D’une façon générale, vos interventions dans l’assemblée départementale ne doivent pas calmer le jeu ?
Disons que la pression est très forte. Si je vote contre la politique de Jean Puech, il affirme que je vote contre l’Aveyron. Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la température. Mais l’on sent bien que Jean Puech est en grande difficulté sur le fond des dossiers, c’est la principale raison de son départ. Il ne parvient pas à faire avancer la RN 88, et c’est la première fois depuis dix ans qu’il n’est pas parvenu à boucler son budget car il ne veut pas être associé à une hausse des impôts de 5 à 7% , d’autant que ces derniers ont déjà augmenté de 45,1% – cela inclut l’augmentation des bases et celle des taux- depuis 2001.

Alors les 800 000 € de la campagne de pub TV, ça valait le coup ?
J’ai voté contre et j’attends de voir les résultats. Reste à savoir si on nous les communiquera. Ne serait-ce que la fréquentation de leur site internet.